Dans le Bouddhisme Tibétain, la plus grande inspiration féminine est la yogini éveillée Yeshé Tsogyel (Ye-shes mTsho-rGyal). Yeshé signifie ’sagesse primordiale’ et Tsogyel signifie ’reine de l’aspect océanique de l’Esprit’. C’est le bouddha féminin de l’école Nyingma, et, en tant que personnage historique, il s’agit véritablement de la mère de toutes les Lignées Nyingma. Yeshé Tsogyel et son ensemble d’incarnations et d’émanations sont une inspiration pour les femmes, un modèle, et pour les hommes ce sont des enseignantes.
Namkha Rinpoche dit:
Le gö-kar-chang-lo ’i-dé, la lignée des
pratiquants à robes blanches et à cheveux longs, est l’essence
même de la lignée Nyingma. En effet, les grands gTértons, les grands
maîtres des Tantras intérieures, sont habituellement des Ngakpas ou des Ngakmas.
Depuis Saraha jusqu’à aujourd’hui, l’existence de la lignée des
robes blanches a été essentielle à la survie du Vajrayana. Au Tibet il existe
de nombreux hommes et femmes qui sont des Ngakpas et des Ngakmas. J’ai entendu dire en
Occident que certaines personnes pensent que la lignée Ngak’phang n’existe pas,
ou bien qu’il n’existe pas de femmes Ngakmas. Tout ceci est absurde et ne
témoigne que de l’ignorance dont font preuve certains.
Il existe trois types de relations étudiant/maître au sein de la Lignée d’Essence Mère, selon le mDo (soutra), le rGyud (tantra), et le rDzogs-chen (Mahasandhi). Selon le soutra, l’étudiant doit avoir un maître du même sexe. Dans le Tantra l’étudiant doit avoir un maître du sexe opposé. Et en Dzogchen le sexe du maître n’a pas d’importance. Selon la perspective du Tantra, les femmes sont des enseignantes pour les hommes et des modèles pour les femmes – et vice versa. Au sein de la Lignée d’Essence Mère la pratique de la vie de tous les jours est donc abordée à travers la vue du Tantra et le pratique formelle est abordée à travers celle du Dzogchen. Ce compte-rendu de la Lignée d’Essence Mère est écrit dans un style qui cherche à favoriser la vue plutôt que la pratique et met donc l’emphase sur la perspective du Tantra. Il existe une emphase considérable sur le principe de vivre la vue au sein de la Lignée d’Essence Mère, et c’est un style de pratique qui convient particulièrement aux femmes.
Yeshé Tsogyel était la sang-yum, ou consort spirituelle, de Padmasambhava. Celui ci est reconnu au sein de la lignée Nyingma comme étant le second Bouddha, ayant fondé le Bouddhisme au Tibet ainsi que l’école Nyingma (’école de Anciens’). Celle ci représente le première poussée de bouddhisme au Tibet, la première vague de dynamisme spirituel amorcée par Padmasambhava et Yeshé Tsogyel. La naissance et l’activité de celui-ci furent toutes deux prédites par le Bouddha Sakyamuni ; celui-ci annonça qu’un être d’une puissance et d’une compassion phénoménale apparaîtrait après sa mort, un être ayant la capacité de transmettre les enseignements et les pratiques du Tantra. Les deux aspects primaires de la pratique du Tantra sont la sagesse et la compassion-active, considérés comme femelle et male respectivement. La sagesse et la compassion-active sont essentiellement les qualités humaines éveillées de la vacuité et de la forme – les ornements de la non-dualité. (Ceci est un enseignement fondamental du soutra. Il provient en effet de la Soutra du Coeur, où il est écrit que la Vacuité est la Forme, et que la Forme est la Vacuité.) En ce qui concerne le Tantra, Padmasambhava est la Forme, ou la compassion-active, alors que Yeshé Tsogyel est la Vacuité, ou la sagesse. Cette perspective nous permet d’appréhender la réalité comme la danse de Padmasambhava et de Yeshé Tsogyel. Au sein de la Sangha Ngak’phang de l’école Nyingma chaque lama et sa consort spirituelle sont Padmasambhava et Yeshé Tsogyel pour leurs disciples.
Dans la Lignée d’Essence Mère Yeshé Tsogyel et ses incarnations et émanations sont d’une importance vitale. En effet, Yeshé Tsogyel existe en tant que Mère de Vision, et donc en tant que Mère de l’expérience non-duelle. Le tantra contient des méthodes convenant particulièrement aux femmes parce qu’il insiste sur le développement de la Vision. Il est dit, dans les enseignements tantriques, que les femmes ont une plus grande capacité de réalisation que les hommes à travers leur résonance naturelle avec la sphère Visionnaire de pratique. L’exemple le plus inspirant de ceci dans la tradition Tantrique est bien Yeshé Tsogyel, Yeshé Tsogyel qui illustra de façon exemplaire cette profonde aptitude des femmes. Elle fut le première Tibétaine à atteindre l’éveil et elle eut de nombreuses incarnations et émanations au Tibet et dans d’autres pays des Himalaya. L’origine visionnaire de la Lignée d’Essence Mère est Yeshé Tsogyel, et son influence peut être tracée jusqu’au vingtième siècle à travers ses incarnations successives. Parmi celles ci : Machig Labdrön, Jomo Menmo, Jomo Chhi-’med Pema ; et Jetsunna Khandro Yeshé Réma – la femme qui donna naissance aux révélations de pure-vision dénommées l’Aro gTér de la Lignée d’Essence Mère.
L’excellent livre ’Sky Dancer’ de Keith Dowman détail l’histoire de Yeshé Tsogyel – sa naissance, vie, et réalisations – et fourni de merveilleux commentaires sur la nature des trois Tantras Intérieurs. Parce que ce texte est facilement trouvable nous ne discuterons pas plus longtemps la vie de Yeshé Tsogyel dans cet historique de la Lignée d’Essence Mère.